Amour à grande vitesse – Premier chapitre
1. Mélanie
Le paysage défile devant mes yeux, à un rythme soutenu. Mes bras me tirent, mais je tiens bon, me laissant griser par cette sensation de vitesse que j’adore. Je tourne légèrement la poignée pour accélérer encore un peu, la moto rugit, et vibre entre mes jambes. Je me baisse au maximum pour ne pas subir le vent qui me fouette et cherche à me ralentir. Collée au réservoir, la sensation de vitesse est amplifiée, tout comme le défilement de l’environnement autour de moi.
Je souris bêtement sous mon casque, comme à chaque fois. Je ne pense plus à rien, je ne vois que les panneaux qui défilent et les voitures qui paraissent presque à l’arrêt quand je passe à côté d’elle.
C’est ce que j’aime dans la moto, cette liberté qu’on ressent quand on roule, cette sensation de pouvoir aller où on veut sans entraves. La vitesse importe peu. Même en ville à cinquante kilomètres-heure, je ressens toujours cette euphorie. Mais je préfère quand même les hautes vitesses.
Je baisse les yeux rapidement sur le compteur, sachant déjà à peu près à quelle vitesse je dois être. J’ai l’habitude de rouler. Je suis à deux cent vingt. Pas de panique, ma moto et moi, on supporte très bien cette vitesse, et mon permis aussi, étant donné que je suis sur une autoroute allemande avec une vitesse maximale conseillée.
Tout est dans la nuance ! Aucune obligation, seulement un conseil !
On peut s’en donner à cœur joie et on ne s’en prive pas.
– Mel ! Ralentis ! On te voit plus !
– Bordel, les gars, vous traînez aujourd’hui !
– Les écoute pas, ma belle ! Continue, je suis derrière toi !
Je me retiens de répondre un « si seulement c’était vrai ! », et un frisson me parcourt à l’idée d’avoir Gabriel dans mon dos.
Eh oui, le cliché de la nana qui craque sur le plus coureur de ses amis, c’est pour moi !
J’aurais pourtant le choix. Sur notre groupe de cinq, je suis la seule femme, et ils sont tous adorables, loyaux et séduisants par-dessus le marché. Mais j’ai craqué pour celui que toutes les femmes regardent, celui qui ne me voit que comme une amie, et le seul qui ne veut absolument pas se caser.
– Vous êtes pas possibles tous les deux !
– Ratez pas la sortie !
– T’inquiète !
Je continue à la même vitesse sur plusieurs kilomètres, Gabriel sur mes talons, jusqu’à ce que les autres réapparaissent dans mon rétroviseur. C’est toujours comme ça. Chaque fois qu’on part rouler en Allemagne, Gabriel et moi sommes toujours devant. Le premier de nous deux qui prend la tête dès le départ guide le groupe pour le reste de la journée. C’est devenu un petit jeu entre nous dans lequel les autres n’interviennent pas. C’est la seule chose qui n’est rien qu’à nous.
Je ralentis et prends la sortie, guidant les autres vers le point de destination qu’on a décidé avant de partir. On redescend tous à la limite de vitesse en quelques secondes, freinant assez fort sur les quelques mètres disponibles. Aucun de nous cinq ne pourrait supporter de perdre son permis. La moto est notre oxygène, c’est d’ailleurs ce qui nous a réunis et ce qui m’a permis d’intégrer leur groupe, qui s’était formé quelques années plus tôt.
Après quelques minutes de routes sinueuses, on arrive à notre point de chute, une petite terrasse près d’un lac à laquelle on s’est déjà arrêté auparavant. Je descends de ma moto et enlève mon casque. Je passe ma main dans ma nuque, trempée de sueur. J’ai toujours très chaud à cause de la combinaison en cuir qu’on s’oblige à porter quand on part sur des routes sans limitation. C’est une des règles qu’on a fixées pour nos sorties. Si l’un de nous se pointe sans combinaison, on annule. On doit aussi avoir un communicateur branché à au moins un des autres. Toujours. Ça nous permet de communiquer entre nous sur la route, surtout en cas de problèmes.
J’ouvre un peu ma combinaison et défais ma tresse pendant de longues secondes. Les cheveux longs s’emmêlent très vite en moto, et surtout ils tiennent chaud, c’est un des rares inconvénients. Je prends toujours le temps de faire une tresse sur toute la longueur pour essayer au maximum de les tenir en place, même si ça ne résout pas tout. Je me penche un peu et balance mes cheveux vers l’avant pour passer mes doigts entre les mèches, espérant leur donner une forme convenable et me rafraîchir un peu.
Quand je me relève, les deux motards installés en terrasse me fixent. À un endroit beaucoup plus au sud que mes yeux. J’ai l’habitude de ce genre de regards, surtout quand je suis en combinaison de cuir. Au début, ça me gênait, mais à force je m’y suis habituée et désormais j’arrive la plupart du temps à en faire abstraction. Ils ne sont pas très discrets et détournent le regard au moment où l’un d’eux réalise que je les regarde faire. Je souris et me dirige vers la terrasse avec les garçons. Ils s’installent, tandis que je pars en direction de l’intérieur du restaurant à la recherche des toilettes.
Ouvrant en grand ma combinaison, j’enlève le débardeur que je porte en dessous. Après m’être rafraîchie, j’enfile celui que j’ai emporté pour me changer et je me passe de l’eau sur le visage. Le contact de l’eau fraîche me fait du bien, contrastant avec la chaleur entretenue par le cuir. Je me regarde dans le miroir. Un sourire se dessine sur mes lèvres en admirant le résultat de mon rafraîchissement. Mes cheveux arborent désormais une petite ondulation à cause de la natte, ce qui va plutôt bien avec le maquillage noir qui souligne mes yeux noisette.
Pas mal !
Je rejoins les garçons quelques minutes plus tard, combinaison ouverte et descendue jusqu’à la taille. Les deux motards à la table d’à côté tiquent en me voyant arriver, mais pas mes amis. Ils ont l’habitude de me voir ainsi, c’est mon rituel à chaque fois qu’on s’arrête et c’est le leur aussi. Chacun d’eux a ouvert sa combinaison de la même manière que moi et a changé de t-shirt, mais eux l’ont fait en pleine rue.
C’est pratique des fois d’être un garçon !
Je tire ma chaise et m’assois, savourant le soutien du dossier après plus de deux heures de route à moitié pliée.
– Je t’ai commandé ton Vittel grenadine.
– Merci Seb.
– Vous êtes obligés de faire la course ?
Gabriel me regarde, on éclate de rire tous les deux au même moment, tandis qu’Éric fait la moue.
– Tu devrais être habitué depuis le temps ! Ça fait trois ans qu’on le fait et je te signale qu’à la base c’est toi qui m’as chauffé en me disant qu’elle allait plus vite que moi !
– C’est pas de ma faute si tu es susceptible !
– On y a pris goût maintenant. Il faut que tu t’y fasses.
Éric souffle, ce qui déclenche les rires de chacun d’entre nous. Éric est toujours comme ça, le plus posé de nous cinq. Il aime la moto lui aussi, mais il n’a pas autant besoin de compétition ou de vitesse. Personnellement, même au ralenti j’aime ça, mais j’adore quand même les sensations fortes que procure la vitesse, surtout quand il s’agit de faire la compétition avec Gabriel.
La serveuse apporte les boissons et s’adresse à nous dans un français parfait. Je ne me souviens pas de l’avoir vue ici lors de nos précédentes sorties. Une fois tout le monde servi, son regard reste bloqué sur Gabriel et elle se fend d’un sourire.
Bien entendu !
Il suffit qu’on arrive quelque part pour que les regards se tournent vers nous et que ceux de toutes les femmes finissent sur lui. Pourtant Éric, Fabien et Sébastien sont tout aussi beaux et grands, mais lui a un petit truc en plus que je ne saurais pas expliquer.
– Vous êtes vraiment pareils tous les deux ! lance Éric, toujours bloqué sur la course.
– Tu rigoles ! On n’est pas pareils du tout ! réplique Gabriel.
La serveuse va voir une autre table et passe suffisamment près de la nôtre pour que les garçons relèvent les yeux vers elle. Elle est plutôt jolie et a les formes qu’il faut aux yeux des hommes. Elle lance une œillade à Gabriel qui la fixe, visiblement intéressé lui aussi.
– Je confirme, on est différents ! Moi, je ne me fais pas draguer par les serveuses !
Fabien et Seb pouffent dans leurs verres en même temps, et Éric sourit franchement. Gabriel continue à boire son verre et fait semblant de ne rien avoir entendu. Puis un petit sourire en coin se dessine sur ses lèvres au moment où il lance sa réplique.
– Non, mais t’oublies les deux motards qui n’arrêtent pas de te mater. Je suis sûr qu’ils te fileraient leurs numéros sans hésiter !
– J’en veux pas !
– Pourquoi ça ?
Fabien fixe ses yeux sur moi et chacun de mes amis prend une mine grave.
Et voilà ! Le sujet va encore revenir sur le tapis !
Fabien vient de lancer l’offensive sur le seul sujet qui peut gâcher la journée. Pourtant, d’habitude, il est de mon côté contre les trois autres, en tout cas sur ce sujet-là.
– Vous avez oublié Noa ?
– Ah oui ! Ton mec !
– C’est vrai ! On l’avait oublié celui-là !
– Il est où d’ailleurs ?
Ils enchaînent sans me laisser le temps de répondre, sachant pertinemment pourquoi Noa n’est pas avec nous.
– Ah Ah Ah ! Vous en avez pas marre de le tailler juste parce que c’est pas un motard ?
– C’est pas ça qui nous gêne, c’est plutôt qu’il veuille que toi tu arrêtes.
Le regard de Fabien est désormais très sérieux tout comme le ton de sa voix.
– Il a le droit de le vouloir, mais c’est encore moi qui décide ! Et il sait très bien qu’en ce qui concerne la moto, c’est non négociable.
Ils se regardent tous d’un drôle d’air que je ne comprends pas. Un léger malaise m’envahit, comme une impression qu’ils en ont déjà parlé entre eux. C’est bizarre de les voir comme ça, comme s’ils étaient vraiment inquiets que Noa réussisse à me convaincre.
Un silence s’installe quelques secondes, avant que Gabriel finisse par le briser. Lui qui n’a pas ouvert la bouche depuis le début de la conversation.
– Franchement, qu’est-ce que tu fais avec lui ?
Je souris en voyant la perche qu’il vient de me tendre. Intentionnellement ou non.
C’est bien trop facile !
Je m’appuie contre le dossier de ma chaise, les bras croisés devant moi avec un sourire en coin.
– T’es vraiment sûr de vouloir savoir ce qu’on fait ?
Il comprend l’allusion tout comme les autres, on éclate tous de rire et la tension redescend en un millième de seconde. Il tend finalement son poing vers moi que je cogne du mien dans un check de connivence.
– Bien joué, ma belle.
J’ai toujours un frisson à chaque fois qu’il m’appelle comme ça. C’est le seul à me faire cet effet et le seul à utiliser ce surnom. La première fois qu’il m’a appelée « ma belle », on était au bar et un mec lourd me draguait et m’empêchait de me dégager. J’aurais été capable de gérer la situation, mais je ne voulais pas faire d’esclandre en plein milieu de notre bar habituel. J’essayais de me libérer sans hausser le ton et de garder le mec à distance acceptable, sans y arriver, jusqu’à ce que Gabriel me rejoigne et passe son bras autour de ma taille. Il m’a embrassé sur la joue et son « Ça va ma belle » m’a autant retourné que le type en face de moi. Il est parti tout de suite après et Gabriel m’a lâché. Mais son « ma belle » est resté depuis ce jour-là.
Je bois une gorgée de ma boisson pour me rafraîchir et faire disparaître le frisson remonté par ce souvenir.
– Bon ! On parle du week-end au GP ?
Version soft : sans scènes spicy, sauf pour la version reliée.
Tropes: friends to lovers
Sujets abordés: perte d’un proche, père absent, moto
Version broché et relié.
Disponible en ebook sur toutes les plateformes et dans les abonnements (KDP, Kobo +, Nextory…)
Disponible au format audiobook sur ma boutique et sur Audible